PRINCIPE
Ce procédé de revêtement électrolytique est un des plus connus, bien que cette appellation désigne aussi improprement des protections multicouches, comme nickel + chrome.
Son importance industrielle se justifie tant par sa fonction décorative (non-ternissement), avec des épaisseurs inférieures ou égales au micromètre, que protectrice et mécanique (chromage dur) où le même dépôt de chrome est réalisé sur le métal de base, avec des épaisseurs d’une dizaine à quelque centaines de micromètres.
Les performances du chrome électrolytique, pour de telles applications, tiennent à sa dureté, à sa résistance à l’abrasion, à la passivité de la surface et aux qualités de frottement de pièces antagonistes, en glissement ou en rotation.
MÉCANISMES RÉACTIONNELS LORS DU CHROMAGE
Pour que l’électrolyse donne lieu à un dépôt de chrome, une certaine proportion d’un anion catalyseur (SO4--) est nécessaire (≈ 1/100 en masse de l’anhydride chromique).
Les phénomènes sont schématisés par la figure ci-dessous et correspondent aux réactions électrochimiques à la cathode et à l’anode.
CHROMAGE DECOR
Cette appellation recouvre, en fait, un système de protection anticorrosion multicouches : Ni + Cr ou même Cu + Ni + Cr, le chrome apportant passivité, dureté superficielle et résistance au ternissement, mais une structure généralement fissurée ; le nickel, plus épais, ductile et non poreux, isole le métal de base du milieu ambiant. Anodique par rapport au chrome, le nickel se corrodera au niveau des fissures ou porosités du dépôt de chrome.
Une grande variété de systèmes nickel + chrome existe : Les principaux sont, dans un ordre croissant de protection :
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nickelage brillant + chrome standard (par exemple, objets d’intérieur)
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nickelage brillant + chrome microfissuré,
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nickelage brillant + chrome duplex (non fissuré + microfissuré),
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nickelage duplex + chrome non fissuré
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nickelage duplex + chrome microfissuré.
Ces systèmes de dépôt ont largement été utilisés dans l’industrie automobile, où les épaisseurs requises vont de 10 à 50 µm de nickel et de 0.1 à 1 µm de chrome.
Les applications du chrome décoratif se rencontrent dans beaucoup d’industries, particulièrement :
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industrie automobile et équipements,
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instruments d’optique, de précision et médicaux,
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matériels téléphoniques et électriques,
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mobiliers métalliques,
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articles de sports et appareillage domestique,
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etc…
Les contrôles de qualité concernent l’adhérence, la porosité, l’épaisseur, la corrodabilité. La norme NF A 91-119, peut être utilement consultée.
CHROMAGE DUR ET EPAIS
Cette technique de chromage pour usages industriels concerne des dépôts plus épais que pour les usages décoratifs, et où l’on tire parti d’une ou plusieurs des propriétés suivantes :
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faible cohérence de frottement,
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propriétés anti-adhérentes,
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résistance à l’usure et haute dureté,
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résistance à la corrosion,
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qualités de résistance aux charges.
CARACTÉRISTIQUES
Les revêtements de chrome dur ont habituellement une épaisseur de 8 à 250 µm. Les bains utilisés sont tout à fait semblables à ceux utilisés en chromage décoratif, hormis la concentration en Cr3 plus faible (150 à 300 g/L) et la température à 50°C, ce qui permet des densités de courant jusqu’à 80 A/dm2 .
Pour obtenir les duretés les plus élevées (≈ 1000HV), il faut considérer ensemble température et densité de courant cathodique (figure ci-dessus).
Le chromage épais mettant en jeu d’importantes densités de courant cathodique, et donc une grande intensité par unité de volume, il sera souvent utile de prévoir un système de refroidissement du bain adapté à la puissance dissipée par effet Joule.
TECHNIQUES D’APPLICATION
Forme et état de surface
La qualité finale du dépôt de chrome épais est liée à l’état de surface et à la forme de la pièce à revêtir.
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Etat de surface et forme |
Défauts |
Remèdes |
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Effet d’angles |
Surépaisseurs sur arêtes, manque de dépôt dans les creux |
Rayonner ou ne pas chromer l’angle |
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Rayures ou fissures |
Absence ou réduction du dépôt |
Adoucir par meulage |
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Filetage |
Modification du diamètre et de l’angle de filetage |
Compenser par usinage ou polissage électrolytique |
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Alésage |
Irrégularité d’épaisseur |
Utiliser une anode de forme ou prévoir un dégagement à le meule |
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Limite de dépôt |
Surépaisseur |
Reporter la limite en zone non fonctionnelle ou utiliser une |
Le chrome épais amplifie les défauts du métal de base et ce d’autant plus que son épaisseur est importante. La surface devra donc être exempte de piqûres, occlusions, zones écrouies, arrachements de métal, stries d’étirage, tapures de trempe, soufflures, etc…
Il faudra aussi tenir compte de l’amplification de la rugosité superficielle en prévoyant les opérations préalables de rodage, polissage ou rectification (rugosité totale R t ≤ 1 µm et R a ≤ 0.5 µm).
Usinable à la meule ou par pierrage, le chrome électrolytique permet d’obtenir par superfinition des rugosités très faibles : R a de 0.1 à 0.02 µm.
Choix du dépôt
Pour une pièce cylindrique tolérancée, il est possible d’obtenir par chromage une surface utilisable sans retouche en considérant toutefois que la tolérance sur le diamètre chromé est la somme algébrique des tolérances d’usinage du support et de la tolérance d’épaisseur du chromage.
Chromage à la cote
• Epaisseur du chrome ≤ 12μm : frottement à sec, outils de coupe par exemple ;
• Epaisseur du chrome 10 à 25 μ : moules,
• Epaisseur du chrome 20 à 60 μm : frottement de glissement, prévention légère de l’usure ou de la corrosion.
Chromage épais
• Epaisseur > 50μm, parfois jusqu’à 500μm pour assurer une cote précise après rectification sur des pièces :
• Neuves : protection, importante contre l’usure (abrasion et corrosion) ;
• Défectueuses en usinage ou usées : apport > 50 μm et tolérance diamétrale ≤ 40μm après rectification
Pré et post-traitements
Les traitements préalables au chromage élimineront les souillures, les oxydes mais aussi la couche superficielle écrouie, et éventuellement abaisseront la rugosité. En vue d’améliorer l’endurance à la fatigue, un grenaillage de précontrainte peut être spécifié :
• Intensité de grenaillage 0.3 mm d’arc, acier R m < 1 100 MPa,
• Intensité de grenaillage 0.4 mm d’arc, acier R m ≥ 1 100 MPa,
Après chromage électrolytique, les aciers à haute résistance, du fait de l’intense dégagement d’hydrogène, subissent une fragilisation.
On restaure les propriétés de telles pièces par un traitement thermique dit de dégazage qui favorise la diffusion de l’hydrogène vers l’extérieur, aussitôt après chromage (moins de 4h) et avant toute finition mécanique.
Les pièces devant résister à la fatigue et non précontraintes subiront le traitement thermique suivant : 400 à 480°C pendant 1h minimum ; mais cela peut entraîner une diminution de la dureté du chrome et de l’acier.
Il peut être prescrit une détente à une température de 135 à 150°C durant 2 à 5h, après rectification du dépôt de chrome.
Dans tous les cas, les contrôles magnétoscopiques ou par ressuage sont recommandés avant et après rectification du chrome, car une rectification mal conduite provoque une fissuration accrue du dépôt.
STRUCTURE ET PROPRIÉTÉS DU CHROME DUR
Même à faible épaisseur 0.5 à 1 μm, le dépot de chrome électrolytique se fissure car les tensions internes du dépôt (≈ 100 MPa) sont supérieures à la ténacité du chrome (≈ 15 MPa).
L’examen au microscope montre ainsi des réseaux de fissures caractéristiques, réseaux qui se superposent sans continuité au fur et à mesure de l’accroissement du dépôt Une relative étanchéité du dépôt ne s’obtient qu’à partir de 30 à 50 μm d’épaisseur.
Au contraire, des autres dépôts électrolytiques, la taille des grains est excessivement fine, 0.008 à 0.12μm ; elle est révélée seulement aux rayons X et n’est modifiée que par des traitements thermiques excédant 400°C et durant plus d’une heure, modification qui coïncide alors avec une baisse de dureté.
La dureté et la résistance à l’usure sont deux propriétés essentielles du chrome électrolytique. Les paramètres vus au paragraphe « caractéristiques du chromage dur » permettront de fixer le plus souvent cette valeur, aux mieux, entre 800 et 1 000 HV.